São Tomé-et-Príncipe, l’île Chocolat
Malgré le caractère paradisiaque de ses petites îles au large de la Guinée équatoriale et du Gabon, São Tomé-et-Príncipe reste méconnu du grand public. Parmi les plus petits pays d’Afrique avec une superficie d’environ 1000 km2, l’archipel a pourtant été le plus grand producteur de cacao au début du XXème siècle.
Premier territoire à recevoir des plants de cacao amazonien en 1822, São Tomé-et-Príncipe a gagné le surnom d’Île Chocolat grâce à la grande qualité de sa production, bénéficiant d’un terroir d’exception pour la culture du cacao.
Consul Honoraire de l’archipel et grand habitué du Salon du Chocolat,
Jean-Pierre Bensaïd nous dresse un portrait invitant du “berceau du cacao africain” !
◆ São Tomé est-elle toujours l’Île Chocolat ? ◆
S’il était le premier producteur de cacao au monde en 1913 avec 36 000 tonnes de cacao par an, São Tomé est aujourd’hui l’un des plus petits producteurs avec 2000 tonnes ; un confetti parmi les 4 300 000 tonnes de la production mondiale annuelle. C’est néanmoins toujours l’Île Chocolat grâce à la qualité et la spécificité du cacao local, principalement l’amelonado.
Importé du Brésil en 1822, c’était la première fois que la plante cacao était implantée ailleurs qu’en Amérique du Sud. C’est en partant de São Tomé que les Portugais ont développé la culture du cacao en Afrique : si l’amelonado s’est parfaitement bien acclimaté à São Tomé, ça n’a pas été le cas sur le continent. Sans résultats probants, il a fallu créer des hybrides plus adaptés au climat.
C’est pourquoi l’amelonado reste typique de l’Île Chocolat où il continue de s’épanouir. Il y a plusieurs variétés de cacao qui n’ont pas les mêmes spécificités.
◆ Qu’est-ce qui rend São Tomé si propice à la culture du cacao ? ◆
De manière générale, le cacao pousse dans la zone intertropicale : il n’y a pas de cacao en Suède ni en Afrique du Sud. Il lui faut un climat raisonnablement chaud et humide : São Tomé étant exactement au niveau de l’équateur, les températures y oscillent parfaitement entre 25 et 30°C, avec le taux d’humidité requis puisqu’au milieu de l’océan.
Très demandeur de sols fertiles, le cacao trouve dans la terre volcanique de São Tomé-et-Príncipe l’azote et la potasse dont il aime se nourrir. Même s’il peut pousser au niveau de la mer, le cacaoyer aime prendre ses aises en altitude à l’ombre des grands arbres : le relief abrupt des îles de l’archipel monte jusqu’à 2024m sur une surface de quelques 60km de diagonale et 35km de large. Puisqu’il ne supporte pas le soleil, le cacao trouve de beaux parasols dans la luxuriance locale en particulier avec les érythrines qui apportent la forêt d’ombrage dont les cacaoyers ont besoin.
Toutes les exigences du cacaoyer trouvent satisfaction sur les îles santoméennes. Il s’y produit une véritable alchimie comme il peut s’en produire sur la toute petite terre de Champagne, avec la parfaite combinaison de la nature du sol, de l’hydrométrie, l’ensoleillement…
Tout ce qui fait que l’on a quelque chose de particulier qui n’existe pas ailleurs.
◆ Est-ce qu’on mange du bon chocolat à São Tomé ? ◆
Le paradoxe de São Tomé, c’est que pendant longtemps, on n’y trouvait pas de chocolat, les fèves produites partant toutes à l’exportation. Beaucoup trop cher pour les santoméens, il n’y avait pas de marché local pour y faire revenir du chocolat créé avec l’or du pays. Pour l’anecdote, il m’est arrivé d’apporter du chocolat à des producteurs qui du haut de leurs 60 ans, dont une quarantaine passée dans les plantations, se sont mis à pleurer en le goûtant. Encore aujourd’hui, beaucoup de planteurs n’ont jamais mangé de chocolat.
L’univers du cacao à São Tomé, c’est essentiellement des petits planteurs ; des unités familiales qui ont entre 3 et 5 hectares et qui travaillent principalement regroupées en coopérative. Quelques entreprises plus importantes comme Diogo Vaz ont leur propre plantation mais achètent tout de même leur cacao à de petits planteurs : c’est un rare producteur qui transforme son cacao sur place pour en faire du chocolat.
L’Italien Claudio Corallo s’est longtemps illustré sur l’île avec un chocolat made in São Tomé mais il vient de vendre son entreprise. L’une des coopératives les plus importantes travaille sur du cacao bio qu’elle exporte exclusivement sur le marché français pour Kaoka. Moins confidentiel depuis quelques années, le bio est de plus en plus demandé par les consommateurs.
◆ Est-ce une destination très touristique ? ◆
En plus des plantations de cacaoyers, il y a tellement de belles choses à voir à São Tomé-et-Príncipe. Le tourisme y reste très confidentiel même si l’archipel reçoit de plus en plus de voyageurs avec 30 000 visiteurs l’année dernière. Vous avez quand même peu de chances d’y rencontrer votre voisin de palier.
Avec les nombreux reportages qui lui sont consacrés et l’intégration de Príncipe au patrimoine mondial l’UNESCO pour sa biodiversité, on remarque de plus en plus d’amoureux de la nature qui viennent apprécier les 180 espèces d’oiseaux répertoriées dont une trentaine endémique et la richesse du parc national Obô avec sa végétation luxuriante.
Il y a des hôtels pour tous les budgets, avec de petites structures très accueillantes, parmi lesquels les éco-lodges font très bonne figure. C’est un secteur qui se développe petit à petit avec des moyens limités. Il existe toutefois de belles initiatives pour faire avancer ce tout petit pays.
◆ Pouvez-vous nous parler des actions menées sur place ? ◆
La Fondation Micondo a été lancée à Paris sur le Salon du Chocolat, consacrée à un projet de développement solidaire au travers de la réhabilitation et de la remise en état d’une roça, c’est-à-dire une plantation locale, pour à la fois aider la population en donnant du travail à la communauté et lui permettre de bénéficier de sa production agricole.
Le projet a également une vocation sanitaire avec la création, l’équipement et la mise en service d’un petit dispensaire, aucun poste de santé n’étant actif autour de la plantation. Au niveau éducatif, il faut soutenir les écoles qui ont besoin de tout. Au niveau patrimoine et culture, il faut réhabiliter les bâtiments de la plantation dont la belle architecture remontant à l’époque coloniale portugaise est laissée à l’abandon. Laisser une trace de la grandeur des roças pour les générations futures et les touristes qui commencent à venir profiter des merveilles qu’offre l’archipel.
La Fondation a également pour but de valoriser la culture locale avec des résidences d’artistes au sein de la plantation. Les Calema qui sont venus célébrer les 25 ans du Salon du Chocolat où ils ont été révélés, sont d’ailleurs dans le conseil d’administration de la fondation.
Avec le cacao pour fil conducteur puisque c’est le produit emblématique de São Tomé. Actuellement seul produit d’exportation, en toute petite quantité mais de haute qualité. Voilà dans les grandes lignes, les objectifs de la fondation dont le Salon du Chocolat est partenaire.